Une émotion généalogique
Les émotions généalogiques apparaissent lorsque l’on explore nos origines, l’histoire de nos ancêtres, et que l’on réalise l’immense héritage qui coule dans nos veines.
Mais elles surgissent aussi hors notre propre histoire généalogique. En feuilletant les registres nous découvrons des destins fascinants, et parfois des tragédies. Ces tranches de vie nous ouvrent les portes d’une famille plus élargie. L’émotion généalogique nous fait prendre conscience que nous sommes porteurs d’une histoire collective. C’est un appel à célébrer notre diversité et à cultiver cet héritage pour les générations futures.
J’aimerais vous faire part ici d’une émotion généalogique que j’ai éprouvée à l’occasion de mes visites aux archives départementales.
Ma mère m’avait raconté que son père, Henri, né en 1896 avait été « Brassard rouge » pendant la guerre 14-18. Il habitait à Roubaix.
Il n’avait pas encore dix-huit ans lorsque la guerre éclata. C’est ainsi que sa fiche matricule précise : « non recensé en temps utile – cas de force majeure« .
Il l’a échappé belle me direz vous ! Et pourtant …
Dès le début de la guerre, le Nord de la France est rapidement envahi. Les autorités allemandes mettent alors en place la loi martiale, imposant des réquisitions et des travaux forcés aux civils français. Au début, les hommes de 16 à 45 ans sont réquisitionnés puis l’âge limite est porté à 61 ans puis il n’y a plus de limites. Ces derniers sont contraints de s’y soumettre. Ceux qui refusent de travailler pour l’occupant sont intégrés dans des bataillons de travailleurs civils surnommés « les Brassards Rouges », en raison du brassard qu’ils sont obligés de porter. Ce sont les « Zivil-Arbeiter Bataillonen » (ou ZAB). Les Allemands les utilisent au plus près du front pour creuser des tranchées, réparer des routes bombardées ou enterrer des corps. Leurs conditions de vie préfigurent celles des camps de travail de la 2ème guerre mondiale.
Mon grand-père y survécut.
Mais les mauvais traitements, les sévices et la malnutrition, marqueront durablement sa santé. Il décède à seulement quarante-six ans le mardi 28 avril 1942. Ma mère a quinze ans.
En parcourant des registres en série M aux archives départementales, j’ai découvert des documents faisant référence aux « Brassards rouges« . Et c’est avec une grande émotion que j’ai lu ces pages en pensant à mon grand-père Henri, et à ma mère. J’imagine que, parmi ces familles qui écrivent au Préfet du Nord, il y a notamment celle de mon grand-père.
Roubaix le 22 octobre 1917
à Monsieur le Préfet du Nord
Monsieur le Préfet
Nous soussignés avons l’honneur de solliciter de votre bienveillance de vouloir bien autoriser Monsieur le Maire de Roubaix à vouloir bien nous accorder une indemnité qui nous a été refusé faute d’avoir reçu votre approbation pour venir en aide à nos malheureux faisant partis des bataillons ouvriers dits brassart rouge comme le font les villes de Wattrelos Croix et autres.
C’est navrant Monsieur le Préfet de se trouver dans l’impossibilité de secourir les notres manquant nous même du nécessaire.
Refuser de leur venir en aide serait les punir doublement du fait de ce qu’ils ont crus faire leur devoir en refusant de travailler volontairement au détriment de leur patrie.
En espérant que notre demande sera prise en considération
Veuillez Monsieur le Préfet agréer nos civilités très empressés
Signent les familles des Brassarts rouges
Merci Olivier pour ce bel article sur cette page d’histoire fortement tourmentée surtout dans le Nord de la France .
Ton blog est bien construit , je vais m’en inspirer et il y a pleins d’autres articles : une mine d’or
Bravo
Grand moment d’émotion familiale au cœur de l’histoire!
Bravo Olivier pour cet article! Je n’avais jamais entendu parler de ces bataillons de Brassards Rouges… Le nord de la France a tellement souffert pendant la 1ère GM… Très belle photo de ton grand père et ta maman, il était tiré à quatre épingles! Avec la montre gousset, la casquette… très chic!
C’est effectivement assez émouvant de retrouver la trace d’une tranche de vie difficile de l’un de nos ancêtres, pendant les périodes de guerre. On a l’impression de partager un peu leur souffrance.
Article émouvant. C’est beau et triste à la fois, les émotions se mélangent.
🧐 Petite curiosité : les familles des Brassarts Rouges ont-elles reçu une réponse du Préfet ?
Noëline
Merci Noëline !
Malheureusement non je n’ai pas trouvé de réponse du préfet dans le dossier que j’ai consulté aux archives.
Bonjour Olivier,
Merci pour ce récit très bien construit et cette leçon d’histoire. J’ignorais jusqu’à ce jour l’existence de ce bataillon d’ouvriers civils nommés les brassards rouges, exploités et maltraités par les allemands pendant la première guerre mondiale.
Amicalement,
Olivier