Quand la Victoire est Amère : Le Destin Injuste d’un Poilu le 11 Novembre 1918
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Alors que le 11 novembre est célébré comme le jour de l’Armistice, marquant la fin de la Première Guerre Mondiale, il est essentiel de se rappeler que derrière chaque date se cachent d’innombrables histoires personnelles, souvent tragiques et parfois empreintes d’injustice. Aujourd’hui, nous nous plongeons dans le récit poignant d’un soldat qui a survécu à toute la Grande Guerre, mais dont le destin a pris un tournant tragique le jour même de l’Armistice.
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Fernand Constant Irénée Mériaux naît à onze heures du matin ce mercredi 7 octobre 1891 au domicile de ses parents à Avesnes-les-Aubert (Nord), rue de Saint Aubert.
Son père, Constant Louis Joseph, âgé de trente ans, et sa maman, Maria Malaquin, trente-trois ans, sont cultivateurs.
Ils se sont mariés le samedi 26 septembre 1885 à Avesnes-les-Aubert. Fernand a déjà deux sœurs : : Constance, cinq ans, née le 6 décembre 1886, et Laurence, deux ans, née le 13 août 1889.
Avesnes-les-Aubert est une petite commune de l’arrondissement de Cambrai au sud du département du Nord
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L’an mil huit cent quatre-vingt-onze, le sept octobre à onze heures du matin, par devant nous André Derieux, Maire, officier de l’état civil de la commune d’Avesnes-lez-Aubert, canton de Carnières, arrondissement de Cambrai, département du Nord, a comparu Constant Louis Joseph Mériaux, âgé de trente ans, cultivateur, domicilié en cette commune, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né aujourd’hui, à deux heures du matin, de lui déclarant, en sa demeure sise en cette commune rue de Saint Aubert, et de Maria Malaquin, âgée de trente-trois ans, son épouse, cultivatrice, domiciliée au même lieu, et auquel enfant il a déclaré vouloir donner les prénoms de Fernand, Constant, Irénée. La dite déclaration et présentation a été faite en présence des sieurs Auguste Sorriaux, âgé de trente-trois ans, cultivateur, et de Joseph Lamelin, âgé de quarante-cinq ans, maître de labour, tous deux domiciliés à Avesnes-lez-Aubert. Et ont, les père et témoins, signé avec nous le présent acte, le tout après qu’il leur en a été fait lecture ./.
AD du Nord – 1 Mi EC 037 R 007
Signé : Mériaux, Lamelin, Sorriaux, Derieux
1896
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C’est l’année où Fernand perd, à quatre mois d’intervalle, ses deux grands-parents maternels : Irénée Malaquin le 16 juillet et Eulalie Santer le 1er novembre à leur domicile d’Avesnes-les-Aubert rue de la Vervelle. Ils étaient âgés respectivement de soixante-dix et soixante-douze ans. Fernand n’a que cinq ans mais peut-être en a-t-il gardé quelques souvenirs.
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1906
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Toute la famille est recensée à Avesnes-les-Aubert toujours à la même adresse, rue de Saint Aubert.
Fernand a maintenant quinze ans.
On y apprend que la famille s’est agrandie avec la naissance de deux petites sœurs et un petit frère :
- Laure, douze ans, née le 29 octobre 1894
- Nelly, huit ans, née le 15 janvier 1898
- Albert, cinq ans, né le 23 février 1901
Les parents sont toujours agriculteurs.
Vit également avec eux la grand-mère paternelle, Aldégonde Santer, âgée de soixante-dix-neuf ans.
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1908
Le mardi 2 juin, sa sœur Laurence, dix-huit ans, se marie à Avesnes-les-Aubert avec un certain Juvénal Basquin, âgé de vingt-sept ans.
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1909
Le mardi 21 décembre, l’ainée, Constance, vingt-trois ans, se marie également à Avesnes-les-Aubert avec Jean Baptiste Bourlet, vingt-cinq ans.
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1912
Dans sa vingt-et-une-nième année, Fernand passe devant le conseil de révision qui le déclare « Bon pour le service ».
Le 1er octobre, il commence un service militaire de trois ans, au 4e Régiment de Cuirassiers. Le 8 novembre il est Cuirassier 1ère classe.
Au sein de son régiment, Fernand prend part ensuite à tous les combats de ces quatre années.
Septembre 1918
On retrouve le 8ème Cuirassiers à Pied sur les Hauts de Meuse. Aussi mordant dans l’attaque que tenace dans la défense, il conquiert sa deuxième palme à la brillante Offensive de Saint-Mihiel. D’un seul bond, il pénètre à plus de cinq kilomètres de profondeur dans les lignes ennemies fortement organisées. Il dénombre près de deux mille prisonniers, dont soixante officiers.
Le 16 Octobre
Le Régiment est enfin relevé et va cantonner au Nord de Saint-Mihiel, dans le camp de Marcaulieu et dans le village des Paroches, complètement détruit. Le 25, il fait mouvement par voie de terre, défile dans Saint-Mihiel reconquis et va cantonner à Commercy.
Le 27 octobre
Fernand et son Régiment embarquent en automobiles, à destination du camp d’Auve. Ils sont finalement mis à la disposition de la IVème Armée, qui poursuit l’ennemi dans la direction de Mézières.
Quelques jours plus tard, le Régiment se met en marche vers le Nord, il traverse le champ de bataille désolé, entre la Butte du Mesnil et la Main de Massiges où le sol apparaît comme une vaste étendue de neige, crevée par de grands trous. Les villages complètement rasés ont disparu ; une pancarte seule en indique l’emplacement. Puis il atteint les régions libérées, acclamé par les populations tout à la joie de la délivrance.
Le 10 Novembre, au soir, Fernand et son régiment montent en ligne à Mézières.
Lugubre relève ! Mézières est bombardée, l’hôpital est en flammes.
Sous un bombardement intense et des feux violents de mitrailleuses, Fernand et le 8e Cuirassiers franchissent La Meuse sur de fragiles passerelles de fortune et s’apprêtent enfin à porter à l’ennemi le coup final. Ces mouvements s’exécutent avec peine, plusieurs hommes tombent dans l’eau et se noient. On se prépare à l’attaque, car, le 11 Novembre, au matin, on doit se porter en avant !
Mais, à 2 heures 45, tous les Postes de Commandement de Bataillons reçoivent le message téléphoné suivant :
« L’Armée téléphone : aucun mouvement en avant ne sera exécuté jusqu’à nouvel ordre…
Suspendre toute action ! »
Puis, à 5 h 20 ce 11 novembre 1918, l’Armistice est enfin officiellement signé dans la petite clairière de la Forêt de Compiègne. Les combats sur l’ensemble des fronts devront cesser à 11 heures.
La Guerre est finie !
Mais dehors, personne ne bouge, car, jusqu’à la dernière heure, les Allemands bombarderont la ville.
Après 11 heures, c’est enfin la joie d’être sûr de vivre.
Mais le sort en a décidé autrement pour Fernand ; Il est l’un des soldats qui se sont noyés dans la Meuse durant la nuit. Il venait d’avoir vingt-sept ans.
« Brave cavalier ayant pris part à tous les combats auxquels son régiment a participé. Est tombé en accomplissant son devoir le 11 novembre 1918. »
AD59 – 1 R 3027 – Fiche matricule
Pour les parents de Fernand et ses cinq frères et sœurs, la victoire du 11 novembre 1918 est particulièrement amère.
Le trois octobre mil neuf cent dix-neuf, cinq heures du soir, nous, André Derieux*, maire de Avesnes les Aubert, avons transcrit ce qui suit : l’an mil neuf cent dix huit le vingt novembre, quinze heures à Paliseul (Belgique), Fernand, Constant, Irénée Mériaux, 1ère classe au 8e Cuirassiers à pied (9e Compagnie) immatriculé sous le N° quatre mille vingt-trois, né le sept octobre mil huit cent quatre-vingt-onze à Avesnes les Aubert, canton de Carnières, département du Nord, domicilié à Avesnes les Aubert, décédé au champ de bataille à Mézières le onze novembre mil neuf cent dix-huit, à une heure, décédé par submersion dans la Meuse « Mort pour la France », fils de Constant Louis Joseph et de Malaquin Maria, domiciliés à Avesnes les Aubert, canton de Carnières, département du Nord. Dressé par nous, Emile Peltier, officier de détails chevalier de la Légion d’Honneur, décoré de la Croix de Guerre, quarante-trois ans, officier de l’Etat Civil, sur la déclaration de Paul Durlin, 2e classe au 8e Cuirassiers à pied, 9e Cie N° Mle 4061, vingt-cinq ans, et de Antoine Baron, 2e classe au 8e Cuirassiers à pied, 9e Cie, N° Mle 5730, vingt-deux ans, témoins qui ont signé avec nous, après lecture, (suivent les signatures)
AD du Nord – 3 E 6348
*On notera qu’il s’agit du même maire André Derieux qu’en 1891 à la naissance de Fernand. Il a maintenant soixante-huit ans.
Fernand est cité au journal Officiel de la République du 7 septembre 1919 mais avec une petite variante concernant la date du décès. Il est indiqué 10 novembre 1918. En effet, la date de décès des morts français du 11 novembre est très souvent antidatée au 10 novembre par les autorités militaires. « On ne meurt pas le jour de l’armistice ! »
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Fernand Mériaux figure sur le monument aux morts de Avesnes-les-Aubert, ainsi que sur le Livre d’Or.
En ce jour de commémoration, il est important de ne pas oublier les sacrifices et les tragédies individuelles qui se sont déroulées durant cette guerre. Le destin de Fernand Mériaux est le reflet de tant d’autres vies brisées par la guerre et l’injustice. Sa famille a attendu en vain son retour, et sa mémoire mérite d’être honorée.
Le 11 novembre est un jour de célébration de la paix, mais il est aussi l’occasion de réfléchir sur les coûts humains de la guerre. La mémoire de ce soldat, qui a vécu toute la Grande Guerre pour finalement mourir le jour de l’Armistice, est un rappel que derrière chaque statistique, il y a des histoires individuelles, derrière chaque célébration, il y a des tragédies. En gardant à l’esprit son sacrifice, nous honorons non seulement sa mémoire, mais aussi celle de tous ceux qui ont souffert des conséquences de la guerre.
« Un homme n’est jamais tout à fait mort tant qu’il y a quelqu’un pour prononcer son nom. »
Antoine de Saint-Exupéry
Sources :
Historique du 8e Régiment de Cuirassiers (gallica.bnf.fr)
Pauvre Fernand ! Il n’a vraiment pas eu de chance. Encore un témoignage qui montre à quel point « Il faut nourrir la paix et arrêter d’alimenter la guerre ». (Jean pierre Szymaniak). Merci aussi pour la mise en forme de votre article que j’ai trouvé très pédagogique.
Merci Régis !
Très bel article, que c’est triste de mourir le 11 novembre 1918. J’avais également entendu que personne n’a eu d’acte de décès daté du 11 novembre. Triste destin pour un soldat qui s’est battu jusqu’au dernier moment et pour la famille. Les illustrations sont magnifiques.
Merci Magali !
Triste fin pour Fernand , lui qui avait survécu à toutes les horreurs de la guerre. 😔
Ton article lui rend brillamment hommage
Merci Noëline !
Superbe commémoration bel article et douloureuse fin pour Fernand
Toujours un grand plaisir de te lire