Loup d’Halloween : Quand la terreur devient réalité
Halloween encourage à explorer nos peurs les plus profondes. Le thème du loup, en tant que source de crainte ancestrale, trouve un écho particulier pendant cette période où les gens aiment se confronter à ce qui les effraie.
Depuis des temps immémoriaux, le loup a toujours occupé une place mystérieuse et effrayante dans l’imaginaire collectif. Les légendes et les mythes qui l’entourent ont contribué à forger sa réputation de créature redoutable. Des récits anciens, transmis de génération en génération, ont nourri la peur profonde que l’homme ressent envers ce prédateur. Il est omniprésent dans le monde des contes et des fables.
Le loup suscite la crainte, et a une réputation de sauvagerie, d’agressivité, tout à fait opposée à celle du docile chien domestique.
Ce « dévoreur d’enfants » apparaît dans des histoires telles que Le Petit Chaperon rouge, Les trois petits cochons ou Pierre et le loup.
On a tous en mémoire l’histoire de « la bête du Gevaudan ». Ce supposé loup qui aurait tué cent quatre personnes entre 1764 et 1767 dans l’ancien pays du Gevaudan (aujourd’hui dans la province du Languedoc).
Nous allons plonger ici dans un de ces faits divers qui alimentent la légende. Une histoire qui témoigne de la réalité troublante de la cohabitation difficile entre l’homme et le loup.
Année 1817
Depuis le 8 juillet 1815, date du retour du roi Louis XVIII, la France est à nouveau une monarchie, après la débâcle de Napoléon à Waterloo le 18 juin suivi de son abdication le 22.
Mais l’occupation et les désastreuses conditions climatiques de 1816 entraînent de mauvais récoltes. Une grave famine s’ensuit ainsi qu’une hausse spectaculaire des prix en 1817.
C’est dans ce contexte que vit à Charentenay, en cette année 1817, au lieu-dit « La Souille », Toussaint Fauconnier, âgé de trente-et-un ans, cultivateur et flotteur1, sa femme Anne Visse, du même âge, ainsi que leurs deux enfants ; Jenevieve, âgée de huit ans et François trois ans.
Charentenay est une petite commune rurale du département de l’Yonne en Bourgogne Franche-Comté.
Le lieu-dit La Souille est assez isolé de Charentenay (à environ une heure de marche).
Toussaint est natif de Crain, un village situé à environ trois longues heures de marche au sud de Charentenay. Tandis qu’Anne est native de La Souille. Ils se sont mariés à Crain le mardi 9 février 1808 (AD Yonne – 5 Mi 339-3). Puis, leur fille Jenevieve est née à Crain le samedi 13 mai 1809.
Ils se sont par la suite installés à La Souille où est né le petit dernier, François, le vendredi 7 octobre 1814.
On ne connait pas les circonstances exactes du drame. Toujours est-il qu’à neuf heures du matin en ce mercredi 3 septembre 1817, le petit François, qui se trouve près de la maison de ses parents, est soudain emporté par « une bête féroce ».
Des recherches sont aussitôt entreprises.
Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence.
Le petit François a donc vraisemblablement été dévoré par la « bête ».
On imagine aisément l’émotion et l’effroi que cet incident a pu provoquer dans le village. Nul doute que le chagrin de ses parents et de sa sœur fut immense.
Accompagné de son beau-frère Joseph Visse, le père Toussaint déclare alors le décès de son fils François auprès du maire de Charentenay.
L’an 1817, le 3 septembre, devant nous, Jean-Pierre Favouret, maire de la commune de Charentenay, faisant les fonctions d’officier d’état civil, sont comparus Toussaint Fauconnier, père dudit défunt ci-après, et Joseph Visse […], son oncle, tous deux cultivateurs demeurant à la Souille, hameau de Charentenay lesquels nous ont déclaré que cejourd’hui, heure de neuf du matin, François Fauconnier, fils dudit Toussaint et de Anne Visse, sa femme, a été pris audit lieu de la Souille, auprès de la maison de son père, et emporté par une bête féroce. Que telles recherches qu’on ait pu faire, on n’a pas pu savoir ce qu’il est devenu, ce qui donne lieu de croire qu’elle l’a mangé. Que cet enfant était âgé de 34 mois. Desquelles déclarations, j’ai rédigé acte dont j’ai donné lecture aux comparus. Et a ledit Visse, signé avec nous, et Fauconnier déclaré ne savoir. [Signé :] J. Visse ; Favouret.
Les attaques de loups au début du XIXe siècle ont ainsi laissé une marque indélébile sur de nombreuses communautés rurales. Elles ont poussé les villageois à s’organiser, à développer des stratégies de défense et à coopérer pour faire face à cette menace. Ces événements ont également contribué à façonner les attitudes envers les loups dans de nombreuses régions, menant finalement à leur persécution et à leur éradication. C’est ainsi qu’aujourd’hui, nous pouvons regarder ces événements comme une illustration de la relation complexe entre l’homme et la nature, dans une période où la survie des villages dépendait de leur capacité à protéger le bétail des prédateurs sauvages.
Qu’est devenue la famille Fauconnier ?
Moins d ‘un an après ce drame, Toussaint et Anne ont à nouveau un fils. Il s’appelle Laurent, né à La Souille le 22 juillet 1818 (AD Yonne – 5 Mi 243-2).
Puis, un autre garçon, Zacarie, le 24 août 1820 toujours à La Souille (AD Yonne – 5 Mi 243-2).
Par la suite, Jenevieve se marie à dix-sept ans à Charentenay le 24 octobre 1826. Son époux s’appelle Louis Abdon Gauthier (AD Yonne – 5 Mi 243-2)
Zacarie se marie également le 3 avril 1845 à Charentenay avec Suzanne Françoise (AD Yonne – 5 Mi 569-9). Et Laurent quelques mois plus tard le 6 janvier 1846 à Merry-Sec avec Marie Anne Loury (AD Yonne – 5 Mi 569-9).
La maman Anne Visse décède à soixante-six ans le 4 septembre 1852 à La Souille (AD Yonne 5 Mi 243/5). Quant à Toussaint, il décède à quatre-vingt ans le 1er février 1866 (AD Yonne 5 Mi 243/6).
1Flotteur : Chargé de transporter le bois par voie d’eau une fois qu’il a été abattu par les bûcherons (Source : Wikipedia)
Sources :
– L’image principale de cet article provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l’identifiant ARK btv1b84096673/f1
– Ouvrage : « Contexte France » de Thierry Sabot aux éditions Thisa : www.histoire-genealogie.com
Très belle mais triste histoire bien documentée et illustrée.
Merci Gilles
Très bel article, bien illustré. Y-a-t-il eu d’autres cas d’attaque de bêtes féroces mentionnés dans les registres de la commune de Charentenay ou de communes voisines à la même époque ?
Merci Olivier. Pour le moment je n’en ai pas trouvé d’autres à Charentenay. En revanche on en trouve en Ardeche. Rien que sur la commune de Malbosc en 1812 : 13 octobre, 29 octobre, 15 novembre, 31 décembre…
Article très bien rédigé et illustré.
Drôle d’effet de tomber sur des Visse dans cette région 😊
Merci Noëline !
Bravo Olivier pour cet article! Le plus dur était sûrement de trouver cet incident dans les archives, car ça n’est quand même pas commun. Bravo pour la reconstitution du contexte!
J’adore ! Merci ! Encore une autre histoire svp !