Une carte postale ancienne
Les cartes postales anciennes sont de véritables trésors.
Elles nous permettent de nous plonger dans le passé, de découvrir des événements, des lieux et des personnes. Les généalogistes professionnels sont souvent amenés à travailler avec ces précieux documents pour reconstituer des histoires familiales.
Dans cet article, je voudrais vous présenter une carte postale issue de mes archives familiales et qui m’a permis il y a peu, de trouver une information que je cherchais depuis plus de vingt ans, et qui était pourtant sous mes yeux.
Il s’agit d’une carte postale du 6 avril 1916 envoyée à un certain Julien Druon, prisonnier de guerre au camp de Friedrichsfeld en Allemagne.
Le recto de cette carte est une photographie de ma grand-mère maternelle, Elise Druon.
Elle est née le lundi 26 mars 1894 à Noyelles-sous-Lens (Pas-de-Calais), enfant naturel de Julie Gautaux, ouvrière âgée de dix-huit ans.
Elise est reconnue et légitimée lors du mariage de ses parents, Herman Druon et Julie, deux ans plus tard, le samedi 25 juillet 1896.
En 1914, Elise travaille à Haubourdin (Nord) comme cuisinière dans une riche famille d’industriels, la famille Brabant. Tandis que ses parents vivent à Loison-sous-Lens.
Elise se fiance avec Gérard Wismans, jeune cultivateur à Labourse, né le vendredi 28 avril 1893.
Mais la guerre éclate. Leur projet de mariage est alors compromis. Gérard est incorporé le 8 septembre 1915 au 100e Régiment d’Infanterie puis au 165e le 12 mars 1916.
Il décède le samedi 27 avril 1918 par intoxication au gaz à Dury (Somme). Les mentions marginales de la transcription de son acte de décès à la mairie de Labourse indiquent qu’il est marié.
Mais où et quand se sont-ils mariés ? Qui plus est en pleine guerre !
Dans ses mémoires, mon père écrit :
Au début de l’année 1918, Gérard rejoint sa promise lors d’une permission qu’il a obtenue pour se marier. Elise et Gérard se marient donc. Quinze jours de lune de miel, puis c’est encore les souffrances de la séparation. Gérard rejoint son régiment dans la Somme. Les Etats-Majors préparent une grande offensive. Elise ressent un triste pressentiment, elle pense qu’elle ne reverra plus son gentil mari. Lors de cette offensive, les Allemands utilisent le gaz dit « moutarde », l’ypérite. C’est un gaz qui brûle toutes les parties humides du corps ainsi que les voies respiratoires et les poumons. Gérard est intoxiqué par ce gaz le 11 avril 1918. Il est conduit vers un hôpital à Dury. Il est défiguré, aveugle, et ne survit à ses blessures qu’une dizaine de jours. Il meurt la veille de ses vingt-cinq ans.
“Notre joie de vivre ” Mémoires de Denis FOULONT
Mon père ne donne aucune indication permettant de déterminer la date et le lieu du mariage.
J’ai longtemps cherché cet acte de mariage.
D’abord à Loison-sous-Lens où habitaient les parents d’Elise, puis à Noyelles-sous-Lens où elle est née. A Labourse bien entendu, le village de Gérard. J’ai même fait des recherches dans le Maine-et-Loire et plus précisément à Montjean-sur-Loire. En effet, la mention “détaché agricole” apparaît sur la fiche matricule de Herman Druon, le père d’Elise, en 1918.
En désespoir de cause, je laissai de côté cette recherche durant de nombreuses années.
Il y a quelques semaines, je décidai de numériser l’ensemble de mes archives photographiques familiales.
J’ai repris ensuite chaque photographie ainsi numérisée et je tentai d’améliorer ou d’en corriger les défauts.
C’est ainsi que cette carte postale a refait surface. Je la connaissais bien pour avoir déjà analysé l’original. Mais un texte manuscrit au verso m’avait échappé. Voyons donc le verso de cette carte …
A droite, les coordonnées du destinataire, Julien Druon prisonnier de guerre. Julien est un oncle paternel d’Elise.
“Kriegsgefangenen sendung” = “Envoi prisonniers de guerre”
“Postüberwachungstelle armee = “Armée du bureau de surveillance postale”
“Brief stempel” = “Cachet de lettre”
C’est en tentant d’améliorer l’image que j’ai découvert le texte manuscrit à gauche.
Il s’agit des coordonnées de l’expéditeur de la carte. En l’occurrence, Julie Druon (la mère d’Elise), chez Mr Jules Caron, maréchal-ferrant à …..
Visiblement, on a découpé une partie de la carte, mais on peut néanmoins lire “lonne Ricouart“. Cela ne fait aucun doute il s’agit de la commune de Calonne-Ricouart qui se trouve à une trentaine de kilomètres à l’Ouest de Lens, et donc en zone non occupée. La famille d’Elise se serait elle réfugiée là ?
Aussitôt, je me précipite sur les tables décennales 1913-1922 de Calonne-Ricouart.
Et Bingo !
Tous celles et ceux qui ont fait des recherches généalogiques comprennent l’émotion et la joie que j’ai pu ressentir.
Puis j’accédai à l’acte proprement dit.
Le douze janvier mil neuf cent dix-huit, à une heure du soir devant Nous Réant Onésime, Adjoint spécialement délégué du maire de Calonne-Ricouart, ont comparu publiquement en la maison commune : Wismans Gérard Joseph né à Labourse le vingt-huit avril mil huit-cent-quatre-vingt-treize, cultivateur, domicilié à Labourse, célibataire, actuellement soldat au 165e Régiment d’Infanterie, fils majeur de Wismans Jean cultivateur et de Catez Sophie Léonie Joseph, cultivatrice, domiciliés à Labourse, d’une part ; et demoiselle Druon Elise, née à Noyelles-sous-Lens le vingt-six mars mil huit-cent-quatre-vingt-quatorze, journalière, domiciliée à Calonne-Ricouart, célibataire, fille majeure de Druon Herman Joseph, ouvrier agricole et de Gotaux Julie, ménagère son épouse domiciliés à Calonne-Ricouart, d’autre part
Les futurs époux déclarent qu’il n’a pas été fait de contrat de mariage,
Aucune opposition n’ayant été faite, les contractants ont déclaré l’un après l’autre vouloir se prendre pour époux et nous avons prononcé au nom de la loi que Wismans Gérard Joseph et Druon Elise sont unis par le mariage.
Dont acte en présence de Mallevoy Georges, vingt-et-un ans, houilleur, domicilié à Labourse, cousin germain du contractant ; de Leroy Victor, quarante-quatre ans, garde-champêtre domicilié à Labourse, non parent ni allié, ami du contractant ; de Lesire François, âgé de quarante-et-un ans, houilleur, domicilié à Bruay rue d’Hulluch N°21, oncle maternel par alliance de la contractante ; de Gautaux Amédée trente-trois ans, houilleur domicilié à Calonne-Ricouart oncle maternel de la contractante.
Lecture faite, les époux et les témoins ont signé avec Nous Réant Onésime, Officier de l’Etat civil de Calonne-Ricouart.
Les cartes postales anciennes sont donc bien plus que de simples souvenirs du passé. Elles sont de véritables fenêtres ouvertes sur l’histoire, offrant des aperçus uniques de la vie quotidienne et des émotions de nos ancêtres. J’espère que cet article vous incitera à explorer vos propres collections de cartes postales anciennes. Elles peuvent nous rappeler que l’histoire est faite de moments intimes et d’expériences humaines, et qu’elles méritent d’être célébrées et préservées pour les générations futures.
Super intéressant, vu nombre de cartes postales anciennes que j’ai … j’en ai pour des années de découverte
Super cet article qui aurait également pu être fait sur le premier sujet : émotion généalogique .
Comme quoi , les recherches généalogiques nous donnent , certes du travail de recherche , mais beaucoup de bonheur dans la découverte de nos ancêtres .
Bel article qui montre la persévérance du généalogiste.
Certaines réponses sont parfois plus proche qu’il n’y parait 🙂
La réussite de nos recherches reposent souvent sur des détails! Bravo pour cette trouvaille, qui permet de lever le voile sur un mystère! Et bravo pour cet article, bien tournée, qui tient en haleine jusqu’au bout!
Comme quoi une simple carte postale peut être d’une grande aide en généalogie.
Les réponses à certaines de nos questions sont souvent sous nos yeux.
Belle histoire d’amour, rattrapée par les horreurs de la guerre 😥
Très belle conclusion. Cela incite à se replonger dans la correspondance de ses ancêtres.
La patience nécessaire d’un généalogiste, savoir patienter et revenir sur des énigmes avec un oeil neuf -))
C’est un très beau “Bingo”! Persévérance et curiosité nous sont indispensables. Nous sommes pris par le récit.
Un vrai travail de détective… Passionnant !
Nos emails ou autres WhatsApp sont-ils autant chargés d’émotions de toutes sortes ?…
Belle investigation avec beaucoup de patience et de ténacité , rudement bien raconté un vrai plaisir de te lire frangin
Excellent !! Comme je comprends votre joie et votre excitation avec cette découverte. J’ai vécu quelque chose de similaire avec la grand-mère de mon grand-père maternel, dont je n’arrivais pas à remonter l’ascendance faute d’acte de naissance ou mariage, pendant de longues années.. Jusqu’à un détail et un jour de chance.