1938 – La Ducasse dans mon quartier
Après le récit de sa communion solennelle (voir : Les souvenirs intacts d’une communion solennelle d’autrefois), mon père nous raconte ici ses souvenirs de la ducasse1 de son quartier à Fives en 1938.
Branle-bas de combat ! Tous les gosses du quartier sont en émoi, les forains sont arrivés. A la sortie de l’école à onze heures et demie, c’est la joie. Cela bouge dans le quartier. Certaines rues sont barrées, les forains installent leur manège. Depuis le coin de la rue Stéphenson jusqu’au Mont-de-terre, on ne reconnaît plus le paysage, nos rues se transforment en champ de foire. Non ! Ce n’est pas la foire comme au mois de septembre à Lille (voir La grande foire aux manèges et la braderie de Lille), cela n’a rien de commun. C’est beaucoup plus petit, c’est tout simplement :
La ducasse de mon quartier
A partir du vendredi en fin d’après-midi, à l’heure de la sortie des écoles, jusqu’au lundi soir, notre quartier va résonner des flonflons des hauts parleurs et des crincrins des manèges.
Comme tous les ans, au coin de ma rue (168 rue du Long Pot) s’installe un petit manège d’enfants, des petites autos, des bicyclettes, des motos, des chevaux et des avions. Tous ces moyens de transport sont fixés solidement sur le plancher du manège. Le couple de forains est ami avec mes parents. Tous les ans il monte le manège au même endroit. Papa leur réserve la place. La roulotte est installée derrière le manège, près des fenêtres de notre cuisine. Ils viennent aux cabinets et chercher de l’eau chez nous. Pour nous remercier, ils nous donnent quelques tickets de tours de manèges gratuits.
Au bord de la rue Belle-Vue, le manège le plus fréquenté, ce sont « les autos tamponnantes » ou « tamponneuses », peu importe l’appellation.
Ce manège est merveilleux. Il est grand, les voitures brillent de tout leur chrome. Pour y faire un tour, il faut prendre son ticket à la caisse. Ensuite, il faut être prêt à courir vers une voiture dès l’arrêt du manège. Il faut être dégourdi. Il arrive que la voiture désirée ne soit pas libre, que les occupants ne descendent pas car ils ont encore des tickets. Alors, dans ce cas c’est fichu ! Il est bien rare de retrouver une autre voiture. Un coup de klaxon et il faut évacuer rapidement la piste. Les voitures se remettent en route. C’est dangereux de rester sur la piste, on risque d’avoir les pieds écrasés entre deux voitures. Alors, on regarde avec envie les autres conduire leur machine.
Certains cherchent constamment à tamponner, d’autres au contraire essayent d’éviter les collisions. Parfois les chocs sont rudes, surtout ceux de l’arrière. On est projeté vers l’avant et il faut bien se cramponner.
Les petites voitures tournent dans tous les sens pendant que Tino Rossi chante son dernier succès « le plus beau tango du monde », ou que Albert Caura susurre « bonsoir chérie, dormez soyez sage, bonsoir chérie, votre doux visage. Pour une nuit passée près de vous, je donnerais, tous mes désirs les plus fous. »
Un nouveau coup de klaxon brise en partie la chanson d’amour. Les petites merveilles vont s’arrêter. Attention il faut avoir l’œil, repérer ceux qui vont descendre du véhicule. Si un copain est déjà à sa place, on lui fait signe de nous réserver sa place et il ne descend que lorsque nous l’avons rejoint. Tant pis pour les autres, ils retournent, déçus, sur les marches autour du manège. Des jeunes gens employés au manège doivent ramasser les tickets pendant le fonctionnement des voitures. Ils sautent prestement d’une voiture à l’autre, très fiers d’exercer ce métier que tous les jeunes leur envient. Le prix d’un ticket donne droit à l’occupation d’une voiture par deux personnes, le conducteur et un passager. Ainsi les propriétaires d’un ou de plusieurs tickets sont sollicités par les copains et surtout par les copines pour être passagères. Ce sont surtout d’ailleurs les copines qui sont choisies.
Les auto-tamponneuses ouvrent dès la sortie des écoles. Le premier tour est gratuit. Aussi, des écoles du quartier jusqu’au manège, c’est une course effrénée pour arriver les premiers, afin d’obtenir une place de conducteur à bord de l’une de ces machines.
Sur le boulevard de l’Usine, a été monté un manège de chenilles, une loterie et un stand de pêche aux canards. Les chenilles tournent très vite, elles montent et descendent, puis une bâche vient couvrir les chariots. Un courant d’air puissant soulève les robes des filles, ce qui provoque des cris et des rires. C’est agréable de monter sur ce manège avec une fille, car la force centrifuge nous force à nous serrer les uns contre les autres, c’est délicieux.
J’aime particulièrement la pêche aux canards. Ce sont des canards en celluloïd qui ont une fente sur le dos. Dans cette fente un petit papier indique l’objet gagné. On gagne à tous les coups. Un petit vase en verre, une posture en plâtre, un collier de perles, une bague, un turlututu, ou un petit singe poilu. Des lots plus importants sont exposés, mais il faut avoir gagné plusieurs lots et les échanger pour obtenir un gros lot. Chaque fois que j’obtiens dix sous, je vais les jouer et je ramène mon lot à ma grand- mère.
Sur la terrasse du Mont-de-terre, il y a aussi deux manèges : un manège de chevaux de bois qui montent et qui descendent et un manège de grands vélos. Chaque vélo ne possède qu’une seule grande roue surmontée d’une selle en fer et d’un petit guidon. Les pédales sont fixées au centre de cette grande roue qui est protégée par une plaque de cuivre rouge. Les roues tournent sur un rail. Le manège est très rapide, seules les grandes personnes peuvent y monter. Lorsque ce manège tourne à toute vitesse, on ne voit plus les gens qui sont dessus et on est surpris par un bruit de ferraille assourdissant.
Ainsi, vendredi, samedi, dimanche et lundi, nos rues chantent au gré de la musique émise par les forains. Les nouvelles chansons reviennent très souvent. Et surtout la préférée de maman : « Bonsoir chérie ».
1 La ducasse est une fête populaire annuelle des villages et villes, en Belgique et dans le nord de la France, organisée généralement le jour de la fête du saint patron de la localité. Les régions davantage influencées par la langue flamande parlent également de « kermesse ». Source : Wikipedia
J’ai connu cette ducasse dans les années 60, les auto tamponneuses 2 manèges étaient située bld de fives, à l’entrée de l usine de fives.
Manèges et stands tout au long de la rue du long pot, trop jeune, (14 ans) pour le café, je n ai pas souvenir du café Foulont
Amicalement
Le café de mes grands-parents n’existait plus dans les années 60. Ma grand-mère est décédée en 63 et mon grand-père a vécu ensuite rue Matteotti.