1924 – Drame à Fromelles
Le vendredi 8 février 1924, un événement tragique marqua les esprits du village de Fromelles, témoignant de la collision entre deux mondes en plein bouleversement : celui de la modernité automobile et celui de la tradition équestre. Cette histoire, bien que vieille d’un siècle maintenant, résonne encore aujourd’hui comme une manifestation des changements rapides de l’époque et des conséquences parfois dramatiques qui en découlaient.
Fromelles est un paisible village des Weppes au Sud-Ouest de Lille. En 1906, il comptait 1016 habitants.
La famille Boidin – Dugrain.
Bien connue à Fromelles, cette famille occupait une place prépondérante dans la vie paroissiale de la commune. Jean Baptiste, le père, fut l’un des premiers conseillers au Conseil Paroissial1 (ancien Conseil de Fabrique supprimé par la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat).
En 1907, la famille se composait de la mère Rosine Dugrain, quarante-quatre ans, Jean Baptiste Boidin, le père, quarante-cinq ans, et leurs cinq enfants :
- Marie Célestine Joseph, née le jeudi 26 janvier 1893
- Jeanne Baptiste Marie Joseph, née le mercredi 20 juin 1894
- Jules jean Baptiste Joseph, né le 31 août 1896
- Joseph Charles, né le lundi 10 novembre 1902
- Charles louis Joseph, né le vendredi 22 juillet 1904
Tous nés à Fromelles.
Rosine et Jean Baptiste s’étaient mariés à Fournes-en-Weppes le mercredi 5 août 1891.
Au recensement de mars 1906 à Fromelles, la famille Boidin – Dugrain au complet habitait au lieu-dit « La Sotte Rue ».
Le 15 octobre 1913, la famille s’agrandit d’une petite sœur nommée Thérèse Marie Joseph.
La guerre éclata début août 1914. Le village fut vidé de sa population dès octobre 1914 et le front s’y fixa pour quatre longues années. Au cœur des combats, Fromelles fut entièrement détruite.
On se sait pas ce qu’il advint de la famille Boidin pendant cette sombre période. Comme beaucoup d’autres, elle se réfugia sans doute dans une autre région.
1916
La guerre ne les épargna cependant pas. Jules, le fils ainé, fut tué le 16 septembre 1916 à la Ferme Le Priez dans la Somme.
Il était au 8e Régiment d’Infanterie, incorporé le 10 avril 1915.
Il venait d’avoir vingt ans.
Son nom figure sur le monument aux morts de Fromelles.
Après la guerre, Joseph fit son service au 42e Régiment d’Artillerie de Campagne Hippomobile du 10 novembre 1922 au 27 novembre 1923.
Brigadier le 12 mai 1923 puis Maréchal des Logis le 8 novembre 1923 il passa ensuite dans la réserve au 106e Régiment d’Artillerie.
Charles ne partit qu’en novembre 1924 après être passé devant le Conseil de révision le 13 octobre 1923 où il fut déclaré « Bon pour le service ».
Vendredi 8 février 1924 : L’accident !
En ce début d’après-midi, Joseph et Charles s’apprêtaient à partir travailler aux champs à cheval. Habitué lors de son service militaire à manier des chevaux difficiles, Joseph insista pour que Charles prenne le cheval le moins fougueux.
C’est ainsi qu’ils partirent tous deux sur leur monture respective en direction de la Marlacque, Joseph en tête.
Une grosse automobile lourdement chargée vint à les croiser. Le cheval monté par Joseph prit peur à la hauteur du moteur et se cabra soudainement. Le jeune homme, surpris, fut brutalement désarçonné et chuta sous les roues arrières de l’automobile qui lui roulèrent dessus, lui fracturant gravement le bassin. Joseph mourût sur le coup sous les yeux de son frère cadet.
On ne peut qu’imaginer la douleur de cette famille déjà fortement éprouvée par la mort de leur ainé, Jules, pendant la guerre.
Le lendemain matin à 10h30, la tante Félicité Boidin, âgée de soixante-et-un ans, accompagnée de Eugène Carpentier (à priori non parent), déclarèrent le décès de Joseph à la mairie de Fromelles.
Les funérailles eurent lieu quatre jours plus tard, le mardi 12 février 1924 à l’Eglise de Fromelles.
Son frère Charles ainsi que son beau-frère Pierre Augustin Six (époux de sa sœur Jeanne) furent à la tête du cortège funèbre.
Une foule énorme assista à la cérémonie eu égard à la renommée de cette famille qui dépassait d’ailleurs le cadre de la seule commune de Fromelles.
Que sont-ils devenus ?
Le père Jean Baptiste mourut deux mois plus tard à Fromelles, le 1er mai 1924.
Au recensement de 1926 à Fromelles, Rosine Boidin-Dugrain vivait avec sa fille Marie Célestine, célibataire âgée de trente-trois ans. Charles était au service militaire. Ne manquait que la petite dernière, Thérèse.
Jeanne et son mari Pierre Augustin Six vivaient à Herlies avec leurs deux enfants : Marie Rose, quatre ans et Jean Baptiste, deux ans.
Charles se maria le 2 août 1933 à Fleurbaix avec Marie Spriet.
Il fut ensuite mobilisé le 25 août 1939, fait prisonnier le 19 juin 1940 puis rapatrié l’année suivante le 26 juin 1941.
Thérèse resta célibataire.
1944
Thérèse décéda le 8 avril 1944 à Fromelles.
Rosine mourut le 30 octobre laissant pour seuls héritiers :
- Marie Célestine, célibataire, cultivatrice à Fromelles
- Jeanne, épouse de Pierre Augustin Six, cultivateurs à Herlies
- Charles, époux de Marie Spriet, cultivateurs à Fromelles
Source : Déclaration de succession – AD du Nord – 3 Q 57 – 123
Au recensement à Fromelles en 1946, Charles exploitait la ferme familiale à la Sotte-Rue avec son épouse Marie Spriet. Ils avaient cinq enfants. Quant à Marie Célestine, elle vivait seule « au Bourg ».
Jeanne et son mari Pierre Augustin Six habitaient toujours à Herlies. Ils avaient quatre enfants.
Remerciements
J’adresse mes remerciements aux descendantes de la famille Boidin qui m’ont aimablement autorisé à publier cet article et qui ont bien voulu me confier les quelques précieuses photographies de famille permettant de l’illustrer.
1 Source : Livre « Le village de Fromelles » par Jean Van Agt – Le Livre d’histoire – Paris